Portraits : Un partage incertain - Les Impatients

Portraits : Un partage incertain

Portraits est un projet narratif, en mots et en photos, imaginé et mis en œuvre par Laura Regev, responsable d’ateliers.

Il s’agit de présenter au public les histoires familières, histoires habituellement partagées dans l’atmosphère de confidences des ateliers.

Au cours d’une conversation avec Laura, la personne portraitisée arrête son choix sur une histoire, la raconte et choisit comment elle y sera représentée en image. Avec un appareil photographique
des années 50 et un film de 12 photos, la personne fait son autoportrait.

En réponse au texte, à l’image choisie et à la conversation qui a amorcé le processus, Laura capte à son tour un portrait.

 

Un partage incertain, par Annette

Annette, autoportrait

 

Annette, la dame en bleu, est accueillante, souriante et généreuse. À l’écoute des autres, elle aide à trouver des solutions qui, parfois, se retournent contre elle…

 

Annette, par Laura Regev

 

Dans l’intimité de l’atelier, Annette raconte à Laura une histoire de tente prêtée, d’amitié et de confiance.

Annette : Alors, c’est une histoire qui est arrivée il y a quelques années…

J’avais une grande tente de camping pour 6 personnes que j’ai offerte à des amis qui voulaient faire du camping et qui n’avaient que deux petites tentes. Je leur avais dit avant, avant d’aller camper : « Ouvrez-la chez vous pour la faire aérer, ça fait longtemps qu’elle n’a pas servi… » Mais le monsieur me faisait confiance gros comme le bras. Alors il dit : « Non, non, non, pas besoin de l’essayer, ça va faire. » Mais je dis : « Moi, je l’essaierais avant de partir! » Finalement, ils sont partis camper. Mais là, ils ont eu de la difficulté à planter les poteaux parce que ça déchirait. Ils ont eu peine et misère, ils ont mis de la corde et rajouté une toile. Les voisins, ils riaient d’eux autres. Finalement, ils ont réussi à s’installer tant bien que mal.

Le lendemain, le plus jeune des garçons dit : « Papa, est-ce que c’est normal que j’voie des gens passer? J’vois les pattes du monde qui passent. » Le père dit : « Non! Ce n’est pas normal. » Ils ont été chanceux, ils n’ont pas eu de pluie cette fin de semaine-là, mais…

Laura : Mais comment ça se fait qu’ils voyaient les gens?

Annette : Parce que la toile a déchiré, elle était trop vieille, tsé. Je ne savais pas depuis combien de temps elle était serrée dans le sous-sol alors…

Laura : Est-ce qu’il a regretté de t’avoir fait confiance?

Annette : Oui, mais il est venu chez moi me le conter qu’ils avaient vu les pieds des gens quand ils se réveillaient le matin. Il était fâché. Mais moi, j’avais envie de rire, mais de RIRE! Lui, il était insulté parce que je riais. Mais écoute, c’était cocasse, je ne pouvais pas m’empêcher de rire… Après ça, quand il est parti, il me dit : « Je te l’ai pas rapportée, j’l’ai mise aux vidanges! » Je dis : « Je pense que c’est peut-être une bonne idée finalement, que tu l’aies jetée. »

Elles en rient.

Annette conclut : Il était très très fâché. Ç’a pris un bon bout de temps avant qu’il revienne chez nous et qu’il me rappelle. Il était insulté.